Naaba Kiiba
Le Naaba Kiiba, roi du Yatenga, a convoqué les animateurs des radios locales et les correspondants de la presse écrite à son domicile le jeudi 23 juillet 2009. Son message était simple : il n’entend pas voir les opinions des gens sur l’affaire Salif Diallo dans la presse ; il a menacé aussi de faire mater ceux qui voudront marcher. L’entretien s’étant réalisé à plusieurs et à bâtons rompus, certaines choses ont pu nous échapper. Nous vous retranscrivons intégralement ce que nous avons pu enregistrer.
Je vous ai appelé ce matin pour parler du bien-être du Yatenga et de son développement. Il y a des gens qui viennent vous voir pour parler dans vos journaux sous prétexte qu’ils aident Salif Diallo. Ce sont des gens qui ne militent pas dans le CDP.
Au Yatenga, nous sommes francs. Il ne faut pas que vous écoutiez les mensonges. Si on vous raconte des mensonges et que vous les écriviez, ça va retomber sur vous. Je vous demanderai de faire votre boulot, sans exagérer. Si vous continuez d’écrire les mensonges, je serai moi-même témoin devant le gouvernement pour qu’on vous enferme. C’est moi seul qui suis le responsable dans le Yatenga.
Que vous soyez un homme politique, un homme du gouvernement, des coutumes et du bien-être du Yatenga, je suis le responsable. Vous gonflez certains propos concernant Salif Diallo ou bien vous diminuez certains. Je ne veux pas cela. Ici, c’est le Yatenga, je suis le seul responsable, coutumièrement, tout ce je dis, les gens doivent l’accepter. Celui qui n’accepte pas cela, n’est pas digne fils du Yatenga. Je ne veux pas les écrits mensongers sur le Yatenga. Comme preuve que je n’en veux pas, j’ai appelé mon premier ministre.
Vous, vous voulez diminuer le Yatenga, ridiculiser le Yatenga. J’ai lu beaucoup de choses dans les journaux, j’ai entendu des bruits qui courent, disant que les gens vont marcher. C’est faux. Si quelqu’un essaie de marcher, on va le faire mater. Ceux qui veulent marcher n’aiment pas Salif plus que nous. Salif est un enfant du Yatenga, tout le monde l’aime, mais je ne veux pas que vous exagériez en mentant sur lui au sujet de notre conflit avec le gouvernement. Je ne suis pas un fonctionnaire, je suis à la retraite. J’ai mon argent, je m’en fous de qui que ce soit. Je veux seulement le bien-être du Yatenga. Si vous refusez ce que je dis, je serai témoin devant le gouvernement pour qu’on vous juge.
Salif a été suspendu des instances du CDP ; quel est votre commentaire à titre personnel ?
• Je n’ai pas de commentaire à faire. Je ne suis pas du bureau politique, moi je suis un simple militant. Moi, je n’ai pas de commentaire.
Comment voyez-vous l’avenir du CDP suite à cette suspension ?
• Le CDP va toujours marcher. Ce n’est pas parce que Salif a été suspendu que nous allons suspendre notre marche avec le CDP. Jamais. On ne peut pas reculer. Personne ne nous a amenés de force au CDP.
En clair, vous voulez dire que même sans Salif Diallo, le CDP marchera au Yatenga ?
• Sans Salif, le CDP va marcher. Pourquoi ça ne va pas marcher ? Vous vous prenez pour qui ? Nous, au Yatenga, nous ne sommes pas les autres. Nous sommes droits. Ce n’est pas quelqu’un qui nous a forcés à être au CDP. C’est notre volonté, c’est notre courage. Nous restons toujours au CDP.
Vu l’engagement de Salif quand il était à la tête du parti, est-ce que vous ne pensez pas que sa suspension peut affaiblir le CDP ?
• Ça va être toujours le même CDP. Et s’il était mort ?
Mais la population du Yatenga semble vouloir se révolter suite à la suspension de Salif ?
• La population ne peut pas se révolter. L’Administration est là, on va les mater. S’ils ne veulent pas, qu’ils partent du CDP. Ils ne peuvent pas se révolter.
On dirait que vous êtes contre la liberté d’expression ?
• On ne vous a jamais refusé la liberté d’expression. C’est vous, les journalistes, qui mentez. Vous êtes des menteurs.
Donc il n’y a pas de crise au sein du CDP Yatenga ?
• Ce sont des jalousies, il n’y a pas de crise. Ceux-là qui font actuellement du bruit sont jaloux.
Qui pourrait être le nouveau leader au Yatenga ?
• Le Yatenga a combien d’intellectuels ? Vous êtes fous non ! Salif, c’est bien vrai, il est brave. Nous l’avons accepté et l’avons soutenu pour sa bravoure. Il y aura aussi d’autres.
Ce qui veut dire que vous tournez la page Salif Diallo ?
• La page Salif est tournée. Ce n’est pas notre faute
Vous comptez sur qui maintenant ?
• Je ne vais pas dire sur qui je compte. Je compte sur la personne que le CDP va désigner comme leader au Yatenga.
Donc vous êtes pour la sanction de Salif Diallo ?
• Pourquoi pour ? Il est du Yatenga. Pourquoi voudrais-je qu’on le sanctionne ?
Mais vous dites que sans lui au CDP, ça va marcher au Yatenga ?
• Le CDP va marcher sans Salif Diallo, mais je ne veux pas qu’on le sanctionne. Pour qui vous me prenez ?
La section CDP du Yatenga a écrit pour demander qu’on allège la sanction prise contre Salif Diallo, comment vous appréciez ça ?
• Vous êtes fou ! Ce sont les membres du bureau du CDP qui ont écrit. Est-ce que c’est tout le Yatenga ? Ce n’est pas tout le monde.
Ne craignez-vous pas d’être incompris ?
• Au Yatenga, personne ne peut venir devant moi dire quoi que ce soit. C’est l’Administration qui les flatte. On me connaît ici, c’est vous qui ne me connaissez pas. Vous ne connaissez pas non plus le Yatenga.
Salif s’est battu pour le Yatenga ?
• Pas pour le Yatenga seulement, même pour l’ensemble du Burkina. Salif a fait beaucoup de choses pour ce pays.
Mais pourquoi cette ingratitude aujourd’hui ?
• Ça ne me regarde pas. Je ne suis pas membre du bureau politique. Je suis un simple militant. Ce n’est pas moi qui l’ai sanctionné.
Etes-vous adversaire ou partisan de Salif Diallo ?
• Je ne peux pas être un adversaire de Salif Diallo, car il est fils du Yatenga. Qu’est-ce qu’il m’a fait pour que je sois son adversaire ? Moi, il ne m’a pas manqué de respect. Vous ne me comprenez pas.
Pourquoi voulez-vous faire mater ceux qui tenteraient de marcher contre sa suspension ?
• Est-ce que c’est eux qui avaient mis Salif Diallo à la tête du CDP ? Est-ce qu’ils savent pourquoi on l’a enlevé ? Ils n’ont qu’à rester tranquilles comme moi. J’invite la population du Yatenga à s’abstenir d’une quelconque marche. C’est une question politique et il faut attendre de voir comment ça va se régler. Salif est un grand type. Même s’il représentait le Yatenga, ce sont ceux qui l’ont mis qui l’ont enlevé.
Au juste, quel est le message que vous vouliez donner à la presse et à la population ?
• Je vous invite à ne pas écrire ce que les gens racontent dans la rue. Ceux qui vous contactent pour raconter ce qu’ils veulent ne désirent pas du bien du Yatenga. C’est pourquoi je vous ai convoqués pour vous mettre en garde. Celui qui écrit contre le Yatenga, moi je serai contre lui. Si vous continuez d’écrire, c’est pour que le gouvernement se fâche contre le Yatenga. Vous qui êtes assis là, qu’est-ce que vous pouvez faire ? Vous savez écrire, c’est tout. Vous ne pouvez même pas donner une pierre pour construire le Yatenga. Nous ne sommes pas contre Salif, c’est vous qui êtes contre lui. Nous savons le bien que Salif a fait pour le Yatenga. Nous lui sommes très reconnaissants. Nous, nous voulons son bien et
Article publié le Monday, July 27, 2009