Plus d'un millier de personnes ont assisté, jeudi 18 juin 2009, à l'inhumation d'Omar Bongo à Franceville (Sud-Est). Sa succession est officiellement ouverte.
Une folle espérance s'est emparée des Gabonais depuis l'annonce de la mort d'Omar Bongo : choisir librement leur prochain président. Pareil rêve ne s'est jamais concrétisé dans ce pays, indépendant depuis 1960. Sur les écrans géants dont la ville est parsemée, "Yaya Bongo" ("grand frère Bongo" en langue téké) reste omniprésent. Mais la rue de Libreville, comme libérée, bourdonne de cet espoir.
"On veut une élection libre, comme chez vous !", lancent d'emblée les nombreuses personnes interrogées. "Une élection où le meilleur gagne", insiste Rigobert, 28 ans. "Un résultat qui sorte des urnes et non des calculettes de la présidence", précise Roseline, une ménagère de 42 ans qui pleure "Papa", mais aspire au "changement".L'inhumation, jeudi 18 juin à Franceville, du défunt potentat, en marquant la fin des cérémonies d'obsèques, va donner un caractère public à la querelle de succession qui, en coulisses, fait déjà rage. Une dizaine de responsables du parti d'Omar Bongo, le Parti démocratique gabonais (PDG), nourrissent des ambitions présidentielles.Mardi, le premier ministre, Jean Eyéghé Ndong, a accusé Ali Bongo, fils du président disparu, de conduire le parti à l'échec en voulant imposer sa candidature. Pour bien se faire comprendre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy, assis en face de lui, il a évoqué l'échec de Jacques Chaban-Delmas à l'élection présidentielle française de 1974, après la mort de Georges Pompidou.Cette situation inédite alliant vide politique, aspiration au changement et confusion au palais nourrit les espoirs des deux opposants historiques. Paul Mba Abessolé, 69 ans, et Pierre Mamboundou, 63 ans, ont en commun d'avoir longtemps combattu Omar Bongo, d'avoir même dû s'exiler, avant de s'en rapprocher ; le premier en siégeant au gouvernement depuis 2002, le second en négociant avec le pouvoir des subventions pour la ville dont il fut le maire (Ndendé). L'un comme l'autre aurait pu parvenir au pouvoir si les scrutins de 1993, 1998 et 2005 n'avaient tourné à la mascarade.Le Père Mba Abessolé, actuel ministre de la culture, revendique "un nouveau départ" pour le Gabon. Sa campagne tournera autour d'un triptyque simple : "Ecole : cadeau. Hôpital : cadeau. Travail pour tous". Accusé d'être "allé à la soupe", il affirme avoir repris sa liberté et met en avant l'expérience acquise comme maire de Libreville, puis comme ministre.COUP D'ETAT ÉVITÉPierre Mamboundou, lui, fait de la refonte des listes électorales un préalable absolu à une élection propre. Il milite pour l'établissement de cartes d'électeur biométriques qui empêcherait la fraude fréquente via les doubles inscriptions. Six mois sont nécessaires, selon lui, pour organiser le scrutin, et non les quarante-cinq jours prévus par la Constitution. Les héritiers du président Bongo semblent partisans d'une révision plus légère des listes.Le financement des élections est l'autre enjeu majeur. "C'était Omar Bongo, président du PDG, qui distribuait l'argent de l'Etat", rappelle M. Mamboundou. Personne ne sait aujourd'hui comment vont se reconstituer les circuits de financement. "Le PDG disposait d'un budget trente fois supérieur au nôtre", affirme M. Mba Abessolé. Tous deux estiment que la presse française accorde une importance démesurée à Ali Bongo. "Il est impossible qu'il soit élu si les élections sont libres, assène M. Mba Abessolé. Les Gabonais n'accepteront jamais une succession monarchique. Cela mettrait le feu au pays."Aucun des deux opposants ne met spontanément en avant le thème de la transparence financière. Mais, interrogés sur ce thème, M. Mamboundou confirme que les plaintes déposées à Paris visant les "biens mal acquis" "intéressent les Africains". "Ceux qui y voient des manoeuvres anti-gabonaises sont ceux qui ont profité du vol, ajoute-t-il. Mais il n'est pas acceptable que ce soient des étrangers qui dénoncent de tels faits."Les deux probables candidats font assaut d'amabilités envers la France et réprouvent les huées essuyées, mardi à Libreville, par M. Sarkozy. L'un rappelle que, contraint à l'exil, il a trouvé refuge en France pendant treize ans. L'autre salue "la volonté de M. Sarkozy d'instaurer des relations non paternalistes avec l'Afrique". Aucun ne demandera le démantèlement de la base militaire française. "C'est un mal nécessaire, déclare M. Mamboundou. C'est grâce à cette présence dissuasive que nous avons évité un coup d'Etat."Philippe Bernard
Article publié le Friday, June 19, 2009