L'application des réformes politiques prévues par les accords de paix signés en janvier 2003 dans la banlieue parisienne de Marcoussis connaît une timide avancée.
C'est sur l'initiative de son homologue sud-africain Thabo Mbeki, mandaté par l'Union africaine pour tenter de trouver une issue à la crise ivoirienne, que le président Laurent Gbagbo a accepté de soumettre à l'Assemblée nationale le projet de révision de l'article 35 de la Constitution sur les conditions d'éligibilité à la présidence de la République en Côte d'Ivoire. Les députés ivoiriens ont, après une journée de débats, adopté vendredi dernier en commission ce projet par 17 voix pour, 16 abstentions et 0 voix contre.
Le nouveau texte a été voté dans la forme prévue par les accords de Marcoussis. Il stipule que le candidat à la présidence doit être de "nationalité ivoirienne, né de père OU de mère ivoirien d'origine", et non plus "de père ET de mère ivoirien d'origine". Selon ses adversaires, au moins un des parents de Ouattara n'est pas ivoirien.
Les députés du Front populaire ivoirien (FPI, parti du président Laurent Gbagbo) avaient l'habitude d'appeler à voter pour le texte, ainsi que les parlementaires du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, ancien parti unique) et de l'Union pour la démocratie et la paix en Côte d'Ivoire (UDPCI).
Paradoxalement, à la demande du FPI, le nouvel article 35 a été amendé et un article lui a été ajouté, conduisant, comme le prévoit la Constitution, à l'organisation d'un référendum pour ratifier la révision de la loi. D'après cet amendement, "la présente loi sera exécutée conformément aux articles 126 et suivant de la Constitution". Ces articles prévoient l'organisation d'un référendum pour toute révision concernant l'élection à la présidence de la République et indiquent qu'un référendum ne peut avoir lieu, s'il est "porté atteinte à l'intégrité du territoire" national.
Le ministre de la Justice Henriette Diabaté (également secrétaire général du Rassemblement des républicains RDR qui n'est pas représenté à l'Assemblée), qui présentait le texte aux députés, s'est opposée en vain au vote de cet amendement.
Le président Gbagbo a, à plusieurs reprises, réaffirmé sa volonté d'organiser un référendum sur cette question, conformément à la Constitution. S'appuyant toujours sur la loi fondamentale, il exige avant l'organisation de ce scrutin le désarmement des groupes armés, la réunification du pays et le redéploiement de l'administration. L'opposition conditionne le désarmement des ses ex-combattants à l'application des réformes politiques.
Si les parlementaires adoptaient cette semaine en séance plénière à la majorité des deux tiers ce projet et si l'opposition acceptait d'aller au référendum, le pouvoir devrait par conséquent assurer la sécurité afin que les Ivoiriens l'approuvent en référendum.
Cette vision s'oppose à celle des accords de Marcoussis et d'Accra III qui poussent à la réforme constitutionnelle sans passer par le référendum.
Les mouvements desquels les Forces nouvelles sont issues sont en conclave. Les trois composantes de l'ex-rébellion ivoirienne à savoir le Mouvement pour la justice et pour la paix (MJP), le Mouvement populaire ivoirien du grand ouest (MPIGO) et le Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) poursuivaient hier leurs consultations entamées pendant le week-end. Ils examinaient en commission de travail les thèmes pourtant sur : la "rupture unilatérale du cessez-le-feu" par les forces gouvernementales le 4 novembre dernier, le désarmement, la question des réformes constitutionnelles et le retour des ministres rebelles au sein du gouvernement de "réconciliation".
Le FPI et ses partisans ne manqueront pas de poursuivre leur manœuvre, afin de faire adopter le texte assorti d'un référendum. Autant dire que cette semaine sera celle de toutes les crispations.
B. M. SISSOKO l'Essor du 14.12.04
Article publié le Tuesday, December 14, 2004