En 2019, l’Etat a décidé de se réengager dans la filière café. Désormais, l’Office de Développement du Café (ODECA) coordonne tous les maillons de cette filière. Les résultats de cette politique sont mitigés. La production du café vert est passée de 25 000 tonnes en 2018 à 15 054 tonnes en 2020. Malgré la hausse du prix au producteur, les intervenants craignent l’écroulement de toute la filière
La campagne caféicole 2020-2021 vient de se boucler avec une production estimée à 73 020, 191 tonnes sur une prévision de 136 792 tonnes de café cerise, soit 53,37%. La quantité globale de café vert produit est de 15 054 tonnes. Une chute de production comparativement à la campagne caféicole de 2018-2019 qui avait enregistré des quantités record dépassant 25 000 tonnes de café vert. Selon le ministre de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Elevage Déo Guide Rurema, cette chute de production est due aux changements climatiques.
Un prix rémunérateur pour les caféiculteurs ?
Dans l’optique de redynamiser la filière café et de valoriser les efforts fournis par les caféiculteurs et les dépulpeurs, le prix au producteur pour la cerise A est passé de 550 FBu à 700FBu le kilo et de 275 FBu à 350 FBu le kilo pour la cerise B. Ce tarif sera appliqué au cours de la campagne café 2021-2022.
De la part des caféiculteurs, Ntabomenyereye Pierre Claver représentant Légal de la Confédération Nationale des Associations des Caféiculteurs (CNAC-MURIMA w’Isangi) se réjouit de cette hausse du prix au producteur longuement exigé. Il déplore cependant que ce nouveau prix reste insuffisant comparativement aux investissements des caféiculteurs. Ils suggèrent que le prix soit d’au moins 1000 FBu.
Selon Monsieur Serges Havyarimana, président de l’Intercafé, le prix du café stagne depuis plusieurs années. En 1991, le prix du café au producteur était de 35 FBu le kilo. Havyarimana constate qu’avec la dépréciation de la monnaie burundaise, le prix au producteur n’a pas du tout changé.
Le prix au producteur pour la cerise A est passé de 550 FBu à 700FBu le kilo et de 275 FBu à 350 FBu le kilo pour la cerise B.
Les investisseurs privés alertent
Un membre d’une coopérative contacté se réjouit de la hausse du prix du café, mais a quelques inquiétudes. Il estime que le prix devrait être proportionnel à la production collectée. Durant cette campagne caféicole, la production n’a pas été bonne et les membres des coopératives craignent que la situation puisse s’empirer, surtout que cette année aurait été une année de grande productivité. Il estime que les investisseurs privés et les coopératives auront du mal à payer les caféiculteurs d’autant plus que la rémunération découle des quantités vendues.
Il déplore cependant que cette mesure risque de ruiner l’activité du secteur privé et des coopératives qui ont investi massivement dans les stations de lavage. Sur un total d’environ 280 stations de dépulpage-lavage installées dans le pays, environ 173 appartiennent aux privés et coopératives tandis que 107 sont actuellement gérés par l’ODECA.
Déprivatisation de la filière café
La campagne café 2020-2021 a débuté dans le contexte de mise en œuvre de la nouvelle stratégie de redressement, de redynamisation et de la pérennisation de la filière café qui a été adoptée par le Gouvernement le 1er novembre 2019. Cette stratégie a été matérialisée par la mise en place de l’Office pour le Développement du Café du Burundi « ODECA ».
Cette mesure a été avantageuse pour le caféiculteur. Tous les caféiculteurs qui ont vendu leur café aux stations de dépulpage-lavage de l’ODECA, des coopératives des caféiculteurs et aux sociétés privées ont été tous payés dans les délais prévus, se réjouit-il.
L’ODECA à la fois régulateur et opérateur
Serge Havyarimana s’émerveille du fait que leurs doléances de déprivatiser le secteur café ont été exaucées. Toutefois, il s’inquiète des pouvoirs attribués à l’ODECA. Celui-ci a des missions étendues aussi bien régaliennes qu’opérationnelles pour assurer la gestion de la filière, fait-il savoir.
Ainsi, l’ODECA qui est régulateur de la filière café est en même temps opérateur économique, car la gestion des stations de depulpage qui appartiennent à l’Etat et de l’usine de déparchage et de conditionnement du café (SODECO) de Buterere rentre dans ses missions. Il devient de ce fait « juge et partie ». En s’acquittant de sa fonction régalienne, l’ODECA risque de se heurter à un problème de conflit d’intérêt. Il suggère la séparation des fonctions régaliennes de régulation de la filière avec la neutralité des fonctions opérationnelles.
2020-2021, une campagne caféicole ambitieuse
L’ODECA a initié, au début de la campagne caféicole 2020-2021 les activités de mise en place des plantations industrielles de caféiers propres à l’Etat. A cet effet, une superficie de 67 ha a été identifiée et acquise dans les provinces de Cankuzo, Ruyigi et Mwaro et 53 ha sont actuellement emblavés de plants de caféiers. Le travail d’identification d’autres sites continue dans les provinces de Muyinga, Ngozi, Karusi, Rutana et Cibitoke.
Les activités de mise en place des pépinières pour la multiplication des plants de caféiers sont en cours dans différentes provinces du pays, annonce le ministre Rurema.
Contribution à l’économie du pays
L’importance de la culture du café dans l’économie burundaise est indéniable. Elle représente l’essentiel des structures industrielles et des recettes d’exportation du pays. Pour les caféiculteurs dont le nombre s’élève à environ 600.000 familles (40% de la population), le café génère aussi des revenus importants, lit-on dans une étude menée par l’USAID en 2007. Malheureusement, depuis quelques années, la valeur du café exporté a chuté. Au cours de la campagne café 2020-2021, la quantité globale exportée jusqu’au 12 avril 2021 est de 14 646,590 tonnes pour une valeur de 34 632 696 USD, soit un montant de 66 667 536 029 FBu, selon les données du ministère en charge de l’agriculture.
Pour l’ODECA, le café déjà exporté pour la campagne 2020-2021 est de 4 529,700 tonnes pour une valeur de 11 356 824 USD, soit 21 888 825 928 FBu. Le ministre Rurema révèle que 93% du montant provenant de l’exportation du café est déjà rapatrié
Quelques instructions pour les caféiculteurs
Pour la campagne café 2021-2022, le ministre Rurema annonce une batterie de mesures pour mener à bien cette campagne. Il est strictement interdit de dépulper le café à la maison, car tout dépulpeur doit réceptionner en même temps le café cerise A et le café cerise B ; le café washed qui sera produit pour des raisons indépendantes des caféiculteurs ne sera acheté que par l’ODECA pour sa valorisation.
En cas de besoin et dans le sens de réduire la distance parcourue par les caféiculteurs, seul l’ODECA a la prérogative de donner l’autorisation d’installer un centre de transit et de définir l’occupant sur base de la cartographie des sociétés œuvrant dans la filière café. Celui qui passera outre ces mesures ou qui sera attrapé en train de payer cash sera sanctionné jusqu’au retrait du droit d’opérer dans la filière café.
La production attendue au cours de la campagne café 2021-2022 est estimée à 43 401,828 tonnes de café cerise dont 19 550 tonnes de l’ODECA.
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A propos de l'auteur
Florence Inyabuntu.
Article publié le Tuesday, April 27, 2021