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Tiwiza, du rock à la sauce algérienne – RFI Musique
C’est un groupe toulousain qui mêle au rock, la musique chaâbi et le blues du désert. Tiwiza publie après dix ans d’existence, Amenzu, un premier disque qui évoque la lutte des berbères en Afrique du Nord. Explications avec son chanteur kabyle, Sofiane Aït Belaïd, et découverte.

En langue berbère, le mot "tiwiza" désigne un système d’entraide, un travail volontaire fait pour venir en aide à quelqu’un. Ce mot qui existe dans toute l’Afrique du Nord prend différentes formes selon les régions et peut tout simplement signifier la solidarité. En Kabylie, la région d’origine de Sofiane Aït Belaïd, ce terme devient "tiwizi", mais le chanteur a choisi d’appeler son groupe Tiwiza, comme pour rappeler son intérêt pour l’histoire globale des berbères.

Après avoir quitté son pays dans les dernières années de la "décennie noire" durant laquelle l'Algérie fait face au terrorisme islamiste, l’adolescent est très marqué par l’assassinat de Matoub Lounès, le 25 juin 1998. Il a quinze ans, vient d’arriver à Toulouse avec sa famille, et le meurtre du chanteur rebelle est le début d’un retour aux racines pour Sofiane. "C’est l’été 1998, celui de la Coupe du monde de football. Matoub Lounès disparaît, et au même moment, Zidane apparaît. Même si ce ne sont pas les mêmes domaines, je me suis dit : ‘Il doit y avoir une continuité quelque part’", rembobine-t-il.

L’influence de la soul, plus que du rock’n’roll

Dès lors, le jeune homme va s’intéresser à la musique algérienne, à sa culture, et chercher à la diffuser à tout prix. Il étudie la biochimie en faculté de sciences, rate deux premières années, débute une série de jobs alimentaires tandis que la musique s’impose à lui. En 2013, il forme un groupe de chanson kabyle et Tiwiza. Au départ, la formation compte un clavier, une flûte traversière, et elle se resserre autour de quatre membres.

Guitare, basse, batterie, un chanteur jouant du mandole et du guembri… Le groupe mêle le rock, la musique chaâbi algérienne comme le blues du désert. Il s’inspire beaucoup plus de l’Orchestre National de Barbès (ONB), de Gnawa Diffusion que des grands frères toulousains de Zebda. Mais à l’image de ces derniers, Tiwiza mêle des identités qui se sont forgées des deux côtés de la Méditerranée, de l’Algérie vers le terroir occitan, de la région Toulousaine vers un grand métissage.

 

"C’est l’esprit rock plus que cette musique qui me parle. Je peux très bien m’inspirer du punk des Clash comme de Matoub Lounès. Ils sont très différents, mais ce qui s’en dégage et ce qu’ils revendiquent, c’est rock’n’roll", indique Sofiane Aït Belaïd. S’il vaut mieux écouter fort le premier disque de Tiwiza, Amenzu, son chanteur est avant tout passionné par la Motown et la soul. Tout jeune, il a d’ailleurs passé des nuits blanches à écouter Michael Jackson et considère Stevie Wonder comme son "Dieu".

La culture berbère au cœur des choses

Sofiane Aït Belaïd veut concilier la musicalité de la musique afro-américaine avec la profondeur de la chanson et de la poésie berbères. Pleine de groove, ses chansons sont écrites en kabyle. Elles traitent du devenir de ce peuple (Leqbayel), de leurs montagnes (Ay Adrar Inu) et plus largement de la lutte des Berbères. Ce peuple "millénaire" qui se répartit aujourd’hui sur neuf pays d’Afrique du Nord, de l’Égypte au Maroc, et qui englobe les kabyles comme les touaregs vivant dans le désert, aux frontières de l’Algérie.

Mais sur ce premier disque, le chanteur est sorti de sa "zone de confort", écrivant sur la condition des femmes (Tilawin) ou racontant la complainte de cet homme tombé fou amoureux d’une fille qui l’ignore (Tayri Berka-Iyi). Takerfa est une lettre à l’Afrique, autant qu’un appel à l’unité d’un continent et qu’un constat sur ses migrations. "Je parle à l’Afrique en la personnifiant. Je la trouve déprimée car ses enfants partent, risquent leur vie, et se font avaler par la Méditerranée. Je lui dis de garder espoir. Et je parle aussi du racisme entre les Africains du Nord et les Africains noirs. Je lui dis : ‘Ne t’inquiète pas, un jour, ces gens-là se reconnaitront comme un et indivisibles’", décrit-il.

Pour Sofiane Aït Belaïd, la musique sert justement "à rapprocher les gens". "Au début, on se voit de loin. On se dit : ‘Tiens, on est différents !’ Mais dès que tu mets des musiciens avec des instruments entre les mains, il n’y a plus de frontières", assure-t-il.

Tiwiza, Amenzu (Ma Case Prod & Collek Tifin'Art) 2023

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Par : Bastien Brun

Article publié le jeudi 11 mai 2023
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