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Tribune -Transport aérien : Revenir à l’essentiel [Par Jean-Louis Baroux]


Au cours des 25 dernières années nous avons assisté à une énorme vague de sous-traitance dans le transport aérien. Cela permettait de croitre plus vite sans supporter les coûts fixes associés

Jean-Louis Baroux, Président du World Connect by APG

C’est ainsi que les compagnies aériennes ont progressivement abandonné une grande partie de leurs activités telles que le catering, le nettoyage des appareils, l’assistance en piste, les comptoirs d’enregistrement, et jusqu’aux salons aéroportuaires. Elles n’ont par contre pas eu le droit de traiter les opérations de sûreté lesquelles ont été confiées aux aéroports qui se sont empressés de les sous-traiter. Rajoutons, pour ne parler que des transporteurs, l’utilisation massive des possibilités informatiques ce qui leur a permis de transférer une grande partie des opérations vers les passagers. Autrement dit, les clients sont maintenant priés de faire le travail jusqu’alors exercé par les compagnies. Cette stratégie a d’ailleurs été très efficace car elle a permis aux opérateurs de poursuivre leur croissance tout en diminuant fortement leur masse salariale.

Les costs killers pratiqués ne sont pas forcément la solution Je ne suis pas certain que cette approche largement suscitée par les fameux «Costs Killers» soit pour autant bénéfique au transport aérien. Tout d’abord remarquons que les clients, même s’ils apprécient de pouvoir eux -mêmes faire leur réservation, éditer leur titre de transport et émettre leur carte d’embarquement, sont frustrés de ne rencontrer aucun agent de la compagnie lorsqu’ils ont une question à poser. On les dirige alors vers des plateformes téléphoniques impersonnelles, lesquelles sont peu en mesure de répondre aux interrogations des passagers. Remarquons que la quasi-totalité des comptoirs de vente et de renseignements des compagnies en aéroport ont tout simplement disparu. Et tous les utilisateurs du transport aérien ne sont pas équipés des derniers outils technologiques : téléphones, ordinateurs ou tablettes par lesquels les transporteurs pensent régler leurs rapports avec leur clientèle.

La dématérialisation des services n’est pas un progrès pour le transport aérien C’est ainsi que, progressivement, le transport aérien a perdu sa magie pour ne devenir qu’une machine à créer du chiffre d’affaires. La dématérialisation des services comme on dit n’est certainement pas un progrès pour cette activité qui perd peu à peu de son prestige à tel point que les recrutements deviennent difficiles surtout depuis la fin du Covid.

A lire également -  Côte d’Ivoire : Movis se retire de la Bourse régionale des valeurs mobilièresLes compagnies aériennes ne sont pas les seules à utiliser massivement la sous-traitance. Les constructeurs ont depuis longtemps abandonné la fabrication des appareils pour ne devenir que des assembleurs. Si on en croit les déclarations du Président d’Airbus, pas moins de 400 sous-traitants contribuent à la fabrication des appareils. Or, chacun d’entre eux peut constituer un goulot d’étranglement. Chaque pièce est essentielle dans le montage du formidable puzzle que constitue la construction aéronautique or il suffit que l’un des 400 sous-traitants soit défaillant pour mettre en cause toute la chaîne de fabrication. C’est ainsi qu’Airbus se trouve dans l’incapacité de livrer les appareils à la cadence prévue. On parle de 770 appareils contre les 800 prévus. Gardons à l’esprit qu’en moyenne un avion vaut 100 millions de dollars.

La sous-traitance massive, source des difficultés de Boeing Du côté de Boeing ce n’est pas mieux. Toutes les difficultés que doit affronter le constructeur américain viennent de sa stratégie de sous-traitance massive qui a échappé au contrôle à la fois du constructeur mais aussi des autorités américaines. Le prix à payer est faramineux au point de mettre même en danger le géant américain qui, aurait bien de difficultés à s’en sortir sans sa branche militaire et spatiale. Alors les deux grands constructeurs ont décidé de prendre le taureau par les cornes en rachetant leur sous-traitant majeur Spirit AeroSystems. Cette société créée en 2004 pour reprendre les activités de l’usine de Wichita de Boeing était devenue un partenaire essentiel non seulement du constructeur américain qui représentait 60% de son chiffre d’affaires mais également d’Airbus qui lui confiait une partie du fuselage de ses avions. Au total, Boeing va devoir débourser 4,7 milliards de dollars et reprendre une dette de 3,6 milliards de dollars et Airbus qui ne veut pas dépendre de son concurrent direct est également obligé de mettre largement la main à la poche.

A lire également -  Transport collectif : quand les écologistes orientent les choix des politiquesAlors progressivement on voit le bon sens reprendre sa place tout au moins chez les fabricants d’avion. Espérons que les transporteurs feront de leur côté un retour en arrière en remplaçant ou en complétant le tout sous-traité et tout digitalisé par une relation humaine dont les clients toujours un peu stressés à chaque voyage ont tant besoin.

 


Article publié le lundi 8 juillet 2024
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