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Malaisie : RSF condamne le harcèlement du gouvernement contre les reporters d’Al-Jazeera | RSF

De fait, ils vont être purement et simplement expulsés du pays. Les journalistes australiens Drew Ambrose et Jenni Henderson, qui travaillent pour le bureau d’Al-Jazeera à Kuala Lumpur, se sont vus officiellement notifiés le refus du renouvellement de leur visa de travail, hier jeudi 6 août. La cause : ils ont émis “des affirmation inexactes qui ternissent l’image de la Malaisie”, pour reprendre les mots prononcés par le directeur général de l'immigration malaisienne, Khairul Dzaimee Daud.



Les deux reporters font en réalité partie des sept journalistes travaillant au bureau malaisien de la chaîne qatarie qui font l’objet d’une enquête pour sédition, diffamation et violation de la loi sur les communications et le multimédia (Communications and Multimedia Act, CMA). En cause, un reportage diffusé le 3 juillet par Al-Jazeera, consacré à une vague d'arrestations de migrants dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus.



Perquisitions



Dans la cadre de cette enquête, les locaux de la chaîne ont été perquisitionnés par la police mardi 4 août, à l’instar de ceux de deux rediffuseurs, Astro Satellite TV et Unifi Internet TV. Deux ordinateurs appartenant à Al-Jazeera ont été saisis. Les journalistes de la chaîne qatarie avaient déjà été convoqués pour interrogatoire le 10 juillet. Ils font par ailleurs l'objet de campagnes de haine en ligne et de menaces de mort, orchestrées par des trolls pro-gouvernement.



En plus de s’en prendre aux journalistes, la police malaisienne a arrêté Mohamad Rayhan Kabir, un travailleur migrant bangladais devenu lanceur d’alerte, après qu’il a témoigné à visage découvert dans le même documentaire d’Al-Jazeera. Il  est sur le point d’être expulsé.



“Intimidation, harcèlement, violation du secret des sources, expulsions,… L’attitude de l’actuel gouvernement à l’égard des journalistes d’Al-Jazeera relève clairement d’un régime dictatorial qui rappelle les pires heures de l’histoire malaisienne”, prévient Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF.



“Nous appelons le Premier ministre Muhyiddin Yassin à ordonner l’abandon immédiat des charges qui pèsent contre les reporters de la chaîne, qui n’ont fait que leur travail en enquêtant sur une question d’intérêt public majeur. "Si rien n'est fait dans ce sens, la Malaisie risque très rapidement de revenir dans le giron des pires pays prédateurs de la liberté de la presse et de retrouver son ancienne place au Classement mondial de la liberté de la presse.” 



Retour en arrière



A la faveur de la première alternance politique de la Malaisie moderne, en mai 2018, l’environnement global dans lequel travaillent les journalistes s’est largement amélioré - elle a ainsi gagné 22 places dans le Classement de la liberté de la presse depuis 2019.



Mais depuis la chute du gouvernement réformiste de Mahathir Mohamad, et l’arrivée au pouvoir de Muhyiddin Yassin, en février 2020, les atteintes à la liberté de la presse se multiplient dangereusement, ce qui fait craindre un grave retour en arrière. 

 

Le mois dernier, site d’information Malaysiakini et son rédacteur en chef  Steven Gan ont comparu dans le cadre d’une affaire ubuesque d’outrage à la cour pour de simples commentaires de lecteurs.

 

La correspondante du quotidien hongkongais South China Morning Post, Tashny Sukumaran, a également été convoquée pour interrogatoire par la police à deux reprises, le 6 mai et le 1er juillet.

 

La Malaisie occupe le 101e rang sur 180 pays dans l’édition 2020 du Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF.


Article publié le lundi 10 août 2020