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Burkina/Promotion des valeurs traditionnelles : « J’ai pu montrer des gens qui peuvent envoyer du maïs à une personne, d’une ville à une autre, à travers la foudre » Gambila Casimir Sanfo de Bamogo - leFaso.net
Gambila Casimir Sanfo de Bamogo est un journaliste à la télévision du Burkina qui s’intéresse aux questions de culture et de traditions. Il a produit plusieurs magazines sur ces thématiques. Dans cette interview, il nous explique son attachement aux valeurs culturelles et traditionnelles dans l’exercice de sa profession.

Lefaso.net : Comment êtes-vous arrivé dans le journalisme ?

Gambila Casimir Sanfo de Bamogo : Après l’obtention de mon Brevet d’études du premier cycle (BEPC), j’ai passé le concours de l’enseignement. A 18 ans, j’étais fonctionnaire. Je n’ai pas passé deux concours de ma vie. Je fais partie de la première promotion de l’ENEP de Loumbila. Je suis instituteur de formation. J’ai exercé dans la région du Sud-ouest, en tant qu’enseignant. Mais j’ai eu l’impression que dans l’enseignement, c’était la répétition. On répétait les mêmes choses chaque année, les mêmes leçons sont répétées.

Après, j’ai été affecté à la direction de la communication au ministère de l’Enseignement. Mais avant cela, j’écrivais beaucoup dans les journaux. Au ministère, une secrétaire m’a informé d’une annonce de recrutement niveau 2 au Centre de formation des professionnels de l’information (CFPI) devenu aujourd’hui l’Institut des sciences et techniques de l’information et de la communication (ISTIC). C’était dans les années 2000-2003. Après, j’ai rejoint la télévision du Burkina. Depuis ce temps, j’anime et je produis des magazines. J’ai animé des émissions comme “Yelsolma”, “Arrêt sur image”, “Histoire d’un peuple”.

Qu’est-ce qui vous a vraiment motivé à quitter l’enseignement pour le journalisme ?

Je viens de vous dire que l’enseignement c’est de la répétition tous les jours. Je ne voulais pas faire cela. Pour la petite histoire, j’avais toujours ma radio quand je cultivais au champ. J’écoutais des gens comme Pierre Claver Tassembédo, Yemdaogo Kafando et autres. C’est de là qu’est née la passion en fait. J’ai pu travailler avec certains d’entre eux après. Je vous dit, un journaliste consciencieux est plus écouté qu’un président de la République.

Parce que le journaliste ne s’en tient qu’aux faits. Dans notre quotidien même, il arrive qu’on dise à quelqu’un qu’il est politicien lorsqu’il prend la parole. Cela veut dire qu’on considère les politiciens comme des menteurs, personne ne veut croire en leur parole. Alors que le journaliste, lui, il là pour dire la vérité. Parce qu’il sait qu’il risque gros si jamais il perd son équilibre ou il ne s’en tient pas aux faits.

A la télévision nationale, vos magazines portent sur la valorisation des traditions et coutumes. Pourquoi ce choix ?

En fait, mon grand-père était très puissant en matière de wack ainsi que mon papa. Je ne sais pas si c’est peut-être l’ADN de ces derniers qui m’a guidé à faire ce choix. Cela fait environ 40 ans que suis à la fonction publique, je n’ai jamais eu de honte. Quand j’ai commencé l’émission Yelsolma, les autres religions se sont plaints. Ils ont demandé d’arrêter l’émission. Yacouba Traoré a dit non. Pour tout vous dire, c’est une manière de valoriser nos traditions.

A la télé, on aborde la politique, l’économie, le sport et autres. Alors que tous ces acteurs vont chez le féticheur. Je me suis dis pourquoi ne pas valoriser aussi ce secteur qui est très important. J’ai réalisé des émissions avec des femmes qui peuvent donner la fertilité à ceux qui ne peuvent pas avoir d’enfant, un rebouteur qui soigne à partir de la terre. C’est dire jusqu’à quel point le retour à la source est nécessaire sur le plan sanitaire, la protection, la prospérité. J’ai pu montrer des gens qui peuvent envoyer du maïs à une personne, d’une ville à une autre, à travers la foudre. Vous allez voir des chrétiens et des musulmans se camoufler pour aller prendre chez le féticheur. Mais le féticheur, lui ne se cache pas pour aller voir un prêtre à l’église ou un imam à la mosquée.

Il y a des lieux culturels qui ont été rasés parce qu’un préfet gourounsi serait chez les Bobo ou un Moagha serait chez les Bissa, il dit que la loi s’applique. Nous avons détruit la plupart de nos lieux de cultes dans cette dynamique. Alors que ce sont des ressources qui peuvent nous aider à lutter efficacement contre le terrorisme aujourd’hui.

Lire aussi : Burkina/Institution de la journée des coutumes et traditions : « Je remercie le gouvernement d’avoir osé officialiser quelque chose que tout le monde fait en réalité », Gambila Casimir Sanfo de Bamogo

Quelle appréciation faites-vous de la commémoration des journées traditionnelles et coutumières instituées par le gouvernement burkinabè ?

La décision d’instaurer les journées coutumières est une très bonne chose, même si c’est venu en retard. Nous faisons partie de ceux-là qui se sont battus pour que nos religions traditionnelles puissent avoir un jour pour être célébrées. Nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec le président de la transition sur cette question, avant et après la formation de son gouvernement. Nous avons remarqué que c’est un jeune président très sage. Lors de nos échanges, on a remarqué que c’est quelqu’un qui veut que le Burkinabè redevienne le vrai Burkinabè.

Je remercie le président Ibrahim Traoré et l’ensemble de son gouvernement d’avoir osé officialiser quelque chose que tout le monde fait en réalité. Ils ont eu ce courage d’autoriser la célébration de ces journées coutumières et traditionnelles, parce que bon nombre de gouvernements ont tenté mais ils n’ont pas pu, parce qu’il y a le poids des religions révélées. Surtout le poids de la colonisation. On ne voulait pas que le Noir découvre qui il est.

Comment voyez-vous la promotion des films documentaires au niveau des télévisions burkinabè ?

Le Burkina est un pays vierge en matière de film documentaire. Le journaliste ne devrait même pas avoir le temps pour dormir. Celui qui aime son boulot, il ne manque pas de sujets. Tous les jours vous rencontrez des sujets. On vous a formé pour montrer, appris la technique pour montrer, pour mieux faire comprendre. C’est vrai que la production des films documentaires coûte chère mais je pense qu’il faut s’y mettre.

Chaque moi par exemple, je passe un documentaire à la télé. Même quand j’avais été nommé directeur de la diversité des expressions culturelles, je venais toujours à la télé pour faire des émissions. Je suis parti parce que c’est trop politique, cela ne rime pas avec la tradition. Tu ne peux pas voir quelqu’un voler et te taire, en ce moment tu es complice.

Comment appréciez les journalistes d’aujourd’hui ?

Il y a du beau travail qui est fait mais le véritable problème, c’est leur cupidité. Ce n’est pas bon du tout. Il y a aussi le mensonge. Il y a des gens qui préfèrent ne pas dire la vérité parce qu’ils ont peur de perdre leurs postes.

Comment analysez-vous le traitement de l’information par les médias publics au Burkina ?

Un enfant ne peut pas dire à son père qu’il ment. Nous par exemple à RTB-télé, on ne peut pas dire que ce que le gouvernement dit n’est pas vrai. Vous au Faso.net, vous pouvez le dire, mais avec la manière.

Serge Ika Ki Lefaso.net

Article publié le jeudi 14 mars 2024
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