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PlaneteAfrique à interviewé...P. G. Aclinou – Reims, juin 2005
 
Cinq questions à Paul Aclinou

• Historien, vous estimez que le développement du Golfe du Bénin est étroitement lié à sa spécificité géographique. Pensez-vous que ces caractéristiques pèsent encore sur l’évolution du peuple béninois ?

L’histoire du golfe du Bénin est liée en effet à la spécificité géographique de cette zone de l'Afrique et plus précisément dans sa partie centrale, en cela que la mobilité des hommes a été de tout temps la règle ; un nomadisme pourrait – on dire qui est source de rencontres avec d’autres hommes, avec d’autres cultures et avec d’autres échelles de valeurs…
Les confrontations qui en résultaient, qu’elles furent pacifiques ou tumultueuses conduisaient toujours à la réflexion ; réflexion sur soi, mais aussi réflexion sur ses propres valeurs... et qui dit réflexion dit écoute de l’autre et donc échange…c'est la marque des hommes de cette région…
Aujourd’hui, ces caractéristiques jouent un rôle secondaire, voire inexistant car, la circulation des hommes sur toute la planète et dans toutes les directions est non seulement la règle, mais elle est enfin admise comme une nécessité de l’espèce ; je veux dire que les barrières géographiques n’existent plus – formellement - ; encore un peu de patience, et nous verrons les barrières politiques s’effondrer à leur tour. Toutefois, plus que la disparition de ces verrous imposés par la nature et puis par l'homme, c’est l’extraordinaire ouverture sur le monde qui fonde le nouvel horizon de l'espèce. En effet, l’homme dispose aujourd’hui de puissants moyens de communication, et donc d’échange, qui échappent pour la plupart aux contingentements partisans, que ces limitations soient politiques, religieuses ou raciales … votre site est l’un de ces moyens qui nous relient au monde entier et cela en permanence ; j'allais dire malgré les velléités de censure, dès lors que nous le désirons ... La réflexion interculturelle peut désormais être continue pour peu qu’on veuille bien s’en donner la peine.
Nous pouvons retenir cependant l'idée que son histoire a habitué l’homme du golfe du Bénin à considérer de tout temps le monde comme un espace à découvrir… que le monde est à parcourir… ce sont par conséquent des hommes et des femmes qui ont toujours été prêts à bouger … le colonisateur ne recrutait-il pas le gros de ses troupes de fonctionnaires et d’exécutants dans cette région…
Il nous faut admettre à présent que le développement, c’est – à – dire la résolution des problèmes économiques dont découle la solution de tous les autres, ne peut plus s’envisager sur une base géographique aussi étroite qu’est la région du golfe du Bénin, et plus précisément sur la base des États actuels de cette zone.
En effet, le maître mot de tout développement est l’économie qu'on le veuille ou non ; or, celle - ci ne peut se concevoir sans un marché stable de consommateurs au sens large du terme. Il faut bien constater qu’aucun État de la région ne dispose d’une population suffisamment nombreuse pour dégager un nombre de consommateurs adéquat qui autorise une politique autonome, à l’exception du Nigeria ; ce qui place depuis une quarantaine d’années tous ces États dans une situation de dépendance, quelle que puisse être la valeur de ses dirigeants ou leur bonne volonté ou encore la détermination des populations.
La solution ? Un regroupement en des ensembles centralisés politiquement pour atteindre les dimensions nécessaires pour une action économique viable et qui ne soit plus aux ordres – et non les espèces de " sous - traitants " qui peuplent l'Afrique et qui, à mon sens pérennisent une parcellisation, très préjudiciable, issue de l'époque coloniale.

Il faut que nous acceptions enfin de sortir de cette parcellisation malgré nos " tuteurs " de tout genre à qui on ne peut pas demander de privilégier les intérêts de l'Afrique au détriment de leur vision propre ; ainsi, au début des années soixante – dix, le président d'un grand groupe industriel de l'agro – alimentaire écrivait un article dans un journal économique français dans lequel il indiquait que l'Afrique devrait être un grenier pour la France à l'instar de l'Amérique du Sud pour les USA… On ne peut pas être plus clair sur le rôle qu'on entendait faire jouer aux dirigeants des États Africains. Que des actions d'aide viennent soulager les souffrances est une chose ; que nous mêmes nous parvenions à nous hisser dans un processus de développement continu en est une autre, la seule qui ait véritablement un sens.

Pour le golfe du Bénin, on peut considérer – et espérer - que des hommes habitués à tant de controverses par leur histoire seraient davantage prêts à passer par dessus les chauvinismes locaux et accepter une telle réorganisation politique en profondeur dans laquelle l'intérêt supérieur prime sur les velléités de potentats locaux ; si toutefois la frénésie avec laquelle depuis une quarantaine d'années on a cherché systématiquement à dévoyer l'homme n'a pas eu raison des leçons de l'histoire comme je le crains. Je suis de ceux qui croient que le corrupteur est au moins aussi méprisable que le corrompu. Mais, l'existence de corrupteurs autochtones ou non, ne peut en aucun cas nous absoudre…

En somme, il ne faut plus considérer un peuple béninois seul, mais un ensemble d'hommes qui doivent rechercher avec d'autres, venant d'autres horizons, les moyens d'un sursaut dont l'urgence est de plus en plus manifeste ; un sursaut qui doit – être avant tout de l'ordre de l'intellect.

• Linguiste, vous révélez un parallèle entre les langues et dialectes employés au Bénin et ceux pratiqués en Asie qui utilisent des hauteurs de ton différentes pour signifier des concepts fort éloignés les uns des autres pour un esprit occidental. Les évolutions récentes de la société béninoise tendent-elles vers une uniformisation de la langue, vers une multiplication des particularismes locaux ou vers l’usage d’une nouvelle langue qui viendrait remplacer et enterrer celles utilisées jusqu’à maintenant ?

L'existence de langues tonales n'est pas propre à l'Afrique, je crois même que c'est assez répandu dans le monde, et notamment en Asie comme vous le soulignez très justement.

L'élément prosodique me sert comme marqueur identitaire sur la base d'un certain nombre de dialectes ; il s'agit pour moi d'induire l'identité des origines, ou plus exactement, de confirmer la commune origine des groupes ethniques par une similitude des langues qui ne diffèrent alors que par l'élément tonal. Cette différence provient naturellement des rencontres avec d'autres peuples, avec d'autres hommes dont les pratiques linguistiques vont interagir avec celles des nouveaux arrivants, les divergeant vers des formes spécifiques que nous leur connaissons actuellement sans toutefois rendre méconnaissable le langage d'origine. L'écart prosodique est d'autant plus marqué que la migration se serait déroulée très tôt dans le temps ; ceci est général sur notre planète.
Accessoirement, ce fut pour moi l'occasion de montrer l'extrême précision de ces formes linguistiques ; précision qui, à mon sens, peut être mise en avant pour montrer la très grande minutie dans les définitions des concepts qui fondent la culture des dites sociétés ; c'est vrai en particulier, quand on considère l'approche spirituelle de l'existence.

Il ne me semble pas cependant que la recherche d'une nouvelle langue qui serait la synthèse des parlers actuels soit nécessaire. Ceci pour plusieurs raisons : la première est la difficulté de la chose dans la mesure où chacun voudrait privilégier ses habitudes linguistiques ; ce serait là un facteur supplémentaire de conflit, puisque nous serions emmenés à faire des choix qui laisseraient insatisfaits les groupes ethniques dont les dialectes ne seraient pas intégrés ; évitons cette pomme de discorde supplémentaire.
La seconde raison est qu'il nous faut résolument nous ouvrir au monde ; il nous faut maintenir à tout prix l'intercompréhension avec le reste du monde ; or, je ne pense pas qu'un langage qui nous serait propre puisse en l'état actuel du monde attirer des praticiens autres qu'africains. Nous ouvrir au monde certes, mais en préservant nos habitudes linguistiques. Cette nécessité de sauvegarde est satisfaite pour le moment et le restera tant que le noyau familial à l'africaine, mais aussi les liens entre les groupes sociaux subsisteront et continueront à jouer pleinement leur rôle de transmission et de préservation.
En d’autres termes, nous ne devons pas oublier qu’une politique linguistique, s’il doit en y avoir une, ne peut que mettre l’ouverture sur le monde au premier plan. Cela nous impose d’éviter tout chauvinisme linguistique sous prétexte d’originalité ou d’indépendance…

Par la force des choses, l’anglais est inévitable actuellement ; mais, pour des raisons historiques, il nous faut faire une place au moins aussi importante au français qui me semble être le véritable héritier de la Grèce antique quant à la richesse des subtilités que cette langue autorise dans l'expression des concepts.

C'est l'approche qui me parait être la bonne attitude dès lors que nos parlers africains sont préservés. Je pense pour conclure qu’il est inutile de nous lancer dans la recherche d’une autre langue ; je n'en vois pas la nécessité.

• Philosophe, vous vous interrogez sur le « commencement » et les divinités yorubas. Cette riche mythologie se développe dans des légendes transmises oralement qui ont encore cours aujourd’hui. En particulier, vous mettez en relief le lien reliant ces croyances au développement du vaudou qui a conquis les Caraïbes et une importante partie de l’Amérique du Sud. Ce retour aux sources, essentiel sur un plan historique et lié au développement de l’esclavage, a t’il des conséquences directes sur l’essaimage des traditions vaudoues dans le monde ?

Je peux répondre sans hésiter que sans les horreurs de l'esclavage – dont je rappelle au passage que nous africains sommes aussi responsables – la culture vaudou n'aurait pas la notoriété qui est la sienne actuellement. Toutefois, son aire d'influence irait certainement au delà du golfe du Bénin pour la simple raison que les peuples issus de Tado se sont très largement répandus à travers l'Afrique, grâce notamment à la colonisation.
Mais, est-ce que je peux parler de retour aux sources ? Je m’interroge ! Je m’interroge, car, les peuples qui venaient de Tado ne se sont jamais départis des légendes fondatrices de leur culture quelles que furent les pérégrinations et quelles que soient les incertitudes des temps…
J’avais tenu à préciser que l’origine n’était ni Haïti ni les caraïbes ni l’Amérique du Sud tout en rendant hommage à la ténacité et au courage des peuples Noirs transplantés qui, malgré la formidable pression à laquelle ils étaient soumis, malgré l’insécurité de chaque instant, avaient su préserver ces légendes de l’oubli quitte à masquer très subtilement certains des éléments à préserver.

Si retour aux sources il doit y avoir, ce serait celui vers les sources pédagogiques, celles qui révèlent le sens véritable des légendes ; celles qui dégagent l’enseignement qui y est enchâssé.
J’ai déploré, et je déplore encore la pratique qui en a été faite et qui a cours encore de nos jours ; pratique qui est rituelle avant tout, parce que ce rituel n’affiche ni sa finalité – qui est essentiellement pédagogique – ni surtout, ses fondements doctrinaires qui se révèlent par une étude critique des légendes ; conséquence : pour la plus part des personnes, le vaudou n'a plus qu’une connotation négative dans la mesure où on y voit que superstitions et pratiques " magiques " à commencer par ceux là même qui se posent en garants de sa pérennité.

J'ai déploré donc ; mais, l'honnêteté intellectuelle conduit à se demander si ces pratiques n'ont pas été justement le moteur qui a permis à l'ensemble des fondements de traverser les siècles pour arriver jusqu'à notre époque, pour nous atteindre et nous permettre désormais de les soumettre sereinement à la raison critique. Nous pouvons aujourd'hui chercher à savoir s'il s'y trouve un enseignement universel, et si la réponse est oui, d'en extraire les éléments constitutifs ; vous savez déjà que selon moi, un enseignement universel s'y trouve enchâssé. Voilà donc qui nuance ma critique du ritualisme idolâtre qui est constaté.
Ainsi, plus que les traditions du vaudou, c'est de trouver les liens qui peuvent s'établir entre ses éléments et ceux qui nous parviennent d'autres cultures qui m'intéressent ; cette terre est une, n'est – ce – pas ? Nous devons nous entendre tous autant que nous sommes pour y vivre en paix ; ce qui suppose une connaissance mutuelle sereine et sans à priori.

• Auteur, vous avez utilisé tous les genres classiques (poésie, nouvelle, roman, essai, récits…) pour communiquer avec un public essentiellement francophone. Vous présentez prochainement un nouvel ouvrage : « Le musée virtuel du mot ». Comment ce choix de la langue française s’est-il imposé à vous et n’avez-vous pas été tenté d’user d’autres langues pour communiquer vos réflexions et votre savoir ?

Vous savez, à ma naissance, la France allait jusque chez moi ! Alors, je peux vous dire que je n'ai pas eu vraiment à choisir ; je ne le regrette pas bien sûr, cette langue offrant elle aussi tout ce qui est nécessaire pour exprimer en profondeur sa pensée et sa réflexion comme d'ailleurs ma langue maternelle, mais avec un avantage supplémentaire qui est d'ouvrir à davantage d'interlocuteurs, ne serait – ce que pour susciter davantage de critiques et de controverses toujours utiles à l'intercompréhension.
J'ai utilisé la langue anglaise pour communiquer dans ma profession mais également lors de l'analyse que je propose des légendes africaines ; une version anglaise est ainsi disponible, ce qui m'a permis de dialoguer avec des interlocuteurs cubains, américains, brésiliens et mexicains notamment , signe de l'extraordinaire diffusion de la culture vaudou. Toutefois, je maîtrise trop peu l'anglais pour en faire une langue de réflexion approfondie, et Le Musée Virtuel du Mot est une réflexion ; c'est un ensemble de regards qui sont portés sur l'homme, le monde et sur la vie … réflexion donc, et l'exigence de précision fait que je ne pouvais choisir qu'une langue dont je possède une très bonne maîtrise pour le faire ; et dans ce cas, c'est soit ma langue maternelle soit le français…

Le Musée Virtuel du Mot, c'est aussi l'expression de ce que je crois avoir compris de la rencontre avec d'autres cultures, mais également les réflexions et les pensées que m'ont inspirées ces rencontres et celles que j'ai eu à faire dans des situations ou avec des individualités…le choix de la langue Française s'imposait.
Je vais après cela proposer de porter le regard sur la culture du golfe du Bénin telle qu'on peut la découvrir à travers ses croyances, et cela de façon plus approfondie que ce que j'ai fait jusqu'alors ; ce sera la prochaine publication ; l'exigence d'une communication la plus large possible fait que là aussi, le choix de la langue se porte sur le Français.

• Scientifique, vous livrez dans vos essais des réflexions profondes sur le Tiers-Monde. Elles annoncent un combat qui, selon vous, ne sera pas remporté par des politiques, mais par des « intellectuels indépendants ». Estimez-vous que cette catégorie est à même de survivre sur un continent en proie à des déchirements politiques, économiques et sociaux où la volonté de puissance le dispute allègrement à des aspirations sociales plus légitimes ? L’exemple d’un chef d’état poète ne viendrait-il pas infirmer cette thèse ?

Le politique est nécessaire dans les combats auxquels le Tiers Monde ne peut échapper ; le politique est nécessaire parce qu'il est l'un des moteurs de l'action. Toutefois, l'efficacité de son action ne peut résulter que de la participation des foules, car, le politique en démocratie est tributaire des masses populaires qui l'élisent ou bien qui le destituent – c'est leur prérogative imprescriptible dans une démocratie – d'où, de plus en plus souvent nous assistons dans pratiquement toutes les démocraties, à des comportements du monde politique dans le but avoué de contourner la volonté populaire… je n'en veux pour exemple que ce qui s'est passé dans certains pays d'Europe lors de la seconde attaque de l'Irak . Ce qui ne veut pas dire que le politique doit suivre aveuglément et en toutes circonstances le moindre changement d'état d'âme des masses. La confiance est donc limitée dans l'action du politique, hélas ! Même si cela ne peut – être systématique.
Pour l'Afrique, il s'y ajoute à mon sens, des conditions aggravantes pour l'homme politique Africain, et celui du golfe du Bénin ne fait pas exception ; en effet, jusqu'où nos hommes politiques sont réellement libres de déterminer leur action ? Et si ce n'est pas le cas, quels sont les moteurs de cette action ? A quelles forces doivent – ils et sont – ils amenés à se plier ? Il nous faut admettre que ce n'est pas à la volonté ni aux souhaits des populations…
La tâche urgente me semble être celle de l'éducation des foules, éducations morale et civique, deux nécessités qui doivent être celles des intellectuels non engagés politiquement mais qui seraient décidés à promouvoir l'avenir ; je veux dire promouvoir un avenir dans un horizon de plusieurs décennies...
J'entends par " intellectuels indépendants " ceux des intellectuels africains qui auraient choisi délibérément de ne pas s'engager directement dans l'action politique, quelles que soient les raisons de ce choix, et qui ne se poseraient pas non plus en inspirateurs de l'action au quotidien des hommes politiques. Ce type d'hommes est – il à même de survivre en Afrique, demandez – vous.

Pour répondre à votre question, il me faut considérer deux périodes : la première va des premières années des mouvements d'indépendance, c'est – à - dire, le début des années soixante jusqu'au milieu des années quatre – vingt. La seconde période court depuis…
Bien entendu, la césure n'est pas franche ; la délimitation peut également varier d'un pays à l'autre, mais, nous pouvons considérer globalement cette séparation.

Pour la première période, vous avez raison, il était en effet pratiquement impossible aux intellectuels que nous prenons en compte de survivre dans les nouveaux États qui se construisaient ; à cette situation, on peut avancer plusieurs raisons.

La première de celles – ci fut l'extraordinaire enthousiasme qui animait tout un chacun pour une Afrique enfin libre et pour laquelle il fallait se dévouer pour la bâtir – on ne mettra pas longtemps à déchanter ! L'intellectuel était amené tout naturellement à s'engager.

Ensuite, le sentiment – néfaste selon moi – de beaucoup d'intellectuels qui considéraient qu'ils étaient qualifiés pour tenir tous les rôles, et donc tous les postes de responsabilité quelle qu'en soit la spécificité ; d'où une lutte sournoise et acharnée pour le pouvoir. Ces acteurs devenaient ainsi, sans le savoir peut – être, la proie de toutes sortes de corrupteurs ; ils devenaient également l'objet de bien de manipulations …

Une dernière raison enfin est qu'au début des années soixante, les intellectuels étaient en petit nombre ; l'Afrique comptait peu d'universités, et tout ceux qui avaient un brin de formation étaient sollicités par tel ou tel parti politique… Très vite, le pouvoir politique était devenu méfiant, en raison notamment du second point évoqué ci – dessus ; et cela, d'autant qu'une démocratie véritable ne présidait pas au déroulement de la vie politique ; conséquence : les hommes au pouvoir ne pouvaient permettre l'existence " d'électron libre ". Les dirigeants au pouvoir tenaient à connaître l'opinion de tout ceux qui pouvaient jouer un rôle et plus précisément celui d'opposant à leur régime, y compris d'opposants internes … L'existence d'intellectuels indépendants dans les cercles politiques ou simplement dans les pays fut ainsi un exercice particulièrement périlleux sauf à se faire oublier, c'est – à – dire : à taire sa réflexion ! Cette période ne fut – elle pas celle des partis uniques pour l'essentiel ?

La seconde période se caractérise par la multiplication des universités ; il s'en était suivi tout logiquement un accroissement du nombre de personnes qui avaient accès aux formations universitaires sans compter celles qui étaient formées dans les pays étrangers que ce soit en Europe, en Amérique ou même dans ce qui était l'Union Soviétique.
Cette période se caractérise également par un début de " mondialisation " de la spéculation réflexive favorisée notamment par la généralisation de la lutte Est – Ouest depuis les années soixante – dix…
Ces deux facteurs - le plus grand nombres d'intellectuels africains et l'internationalisation des échanges culturels, et donc la réflexion partagée, c'est – à – dire, les controverses qui se sont développées sur tous les terrains - libéraient en quelque sorte l'intellectuel africain peu à peu des contingences politiques. Il accédait à une liberté de pensée et de choix par rapport au monde de l'action politique ; il pouvait dès lors, s'il le souhaitait et en était capable, se muer en pédagogue ; mais il fallait accepter de porter le regard vers tous les horizons sans parti pris et de devenir un observateur critique qui se donne le recul nécessaire à une analyse sereine des problèmes.

Ces intellectuels là peuvent subsister à mon avis, dès lors que leur ambition est d'être des hommes libres dans leur pensée, des hommes capables d'assumer leurs idées. Pour cela, ils doivent être convaincus que leur rôle est d'une première utilité, en cela qu'il est de contribuer à l'émergence d'une prise de conscience collective et responsable au niveau du plus grand nombre.

Quel est en effet le problème le plus urgent à résoudre pour l'Afrique ? Le développement économique ? L'éradication des maux sanitaires qui y sont endémiques ? … Non, ce n'est rien de tout cela à mon sens, même si la solution à tous ces problèmes est d'une urgence extrême ; c'est l'émergence de cette conscience qui prime sur tous les autres problèmes ; car, c'est elle et elle seule qui peut nous amener à conduire avec responsabilité et efficacité les autres luttes qui sont indispensables ; et cela, l'homme politique seul ne peut pas le faire en l'état actuel de la vie politique économique et sociale dans nos pays.

Vous vous demandez ensuite si l'exemple d'un chef d'État poète ne vient pas infirmer cette vision du problème ; je vous réponds que non ; cet exemple ne contredit en rien l'analyse que je propose, et voici pourquoi :
D'abord sur le plan des résultats, on peut se demander si l'action politique du poète aux commandes du pays a donné de meilleurs résultats qu'ailleurs ; je ne crois pas, c'est – à - dire que son peuple ne s'en sort guère mieux que les autres sur le plan structurel, sur le plan économique, sur le plan sanitaire… En quatre décennies, je ne trouve pas que ce peuple ait atteint un niveau de bien - être supérieur à ce que nous pouvons observer ailleurs en Afrique. Ce qui veut dire que l'approche retenu par cette politique se trouve totalement dans le cadre qu'on aurait dû éviter à mon sens. Cela étant, mon analyse ne peut, elle aussi, être validée que par les résultats que donneraient sa mise en œuvre…

Ceci ne met nullement en cause la qualité du poète homme politique ni ses convictions ; c'est – à - dire que ces éléments – qualité et convictions – ne suffisent pas pour trouver une solution à un problème qui selon moi est mal posé dès le départ.

Ensuite, nous entrons dans une réflexion conduite avec un argument d'autorité ; c'est le type d'argument le plus spécieux de la logique et que nous rencontrons quotidiennement que ce soit dans la vie politique en Afrique et ailleurs, ou bien que ce soit dans la vie économique, notamment dans le domaine publicitaire … En effet, le fait d'être un excellent poète ne suffit pas pour être un politique visionnaire ou simplement un homme politique dont l'action se voit confirmer par les faits réels… Le corollaire est vrai également. En d'autres termes, le résultat obtenu est seul à prendre en compte pour valider l'action politique, et donc la façon dont le problème à résoudre fut posé et traité.

Il est cependant incontestable que dans le cas que vous évoquez – si nous pensons à la même personne – l'argument d'autorité a eu un effet positif dans la mesure où elle a accéléré en apparence une prise de conscience des masses sur la nécessité d'un processus démocratique. Toutefois, je considère qu'il est trop tôt encore pour valider totalement ce résultat. Et de toute façon, cela ne règle pas le problème de fond. Je réclame le recul nécessaire car, nous avons le cas d'autres pays dont les peuples ont, eux aussi, pris conscience du bienfait de la démocratie alors qu'ils n'étaient pas conduits nécessairement par des intellectuels ; vous avez ainsi le Bénin (le pays) qui par sa conférence nationale du début des années quatre – vingt – dix pour sortir d'une impasse sans verser le sang, a servi d'exemple à d'autres pays Africains.
Je salue le poète, chaleureusement, mais pour le politique, la critique est concevable avec le recul ; mais cela n'enlève rien à la valeur de l'homme dans la mesure où on peut penser que bien des éléments de l'action politique ne dépendaient pas seulement de sa volonté.

P. G. Aclinou – Reims, juin 2005.
Répondant aux questions de H. Perrin, Planeteafrique

 
 
 
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