tchad

Accueil
tchad

Billet – « Flatter son pays n’est pas le servir » – IWACU

Traduction
Augmenter la taille de la police Diminuer la taille de la police print send to Comments
Lectures : 915

 : « Il nous reste deux journalistes qui détruisent le pays » a déclaré le Président du Burundi lors de sa rencontre avec les jeunes au stade Intwari ce mardi 31 août. Avec respect, mais sans concession, Antoine Kaburahe démonte l’accusation.

Le Chef de l’Etat nous a cités nommément, un confrère de RFI et moi, dans un discours au stade Intwari le mardi 31 août. Nous serions « les deux derniers journalistes qui détruisent le pays. » Avant d’être journaliste, je suis un citoyen, respectueux des institutions, de l’institution présidentielle de surcroît. Le dénigrement n’est pas dans mes habitudes, je vais donc ici comme toujours m’en tenir aux faits et peser mes mots.

Que ce soit dans mon histoire personnelle ou professionnelle, c’est vérifiable, je n’ai jamais participé à une quelconque entreprise « destructrice » envers mon pays. Au contraire, depuis la RTNB, ensuite dans les premières radios et journaux libres où, avec d’autres collègues courageux nous prenions tous les risques pour donner la parole à ceux qui étaient considérés par le pouvoir d’alors comme les « ennemis du Burundi » (Inyankaburundi), j’ai toujours prôné dans mon travail l’ouverture et le dialogue.Ce qui m’a d’ailleurs valu un premier exil dans les années 97. J’en vivrai un autre, après 2015 cette fois, fuyant ceux qui nous avaient promis « liberté et démocratie. »

Que ce soit dans mes publications, mes nombreux engagements au Burundi et à l’étranger, j’ai toujours défendu le pluralisme des idées, l’ouverture. Je n’ai jamais prôné la haine ou la violence.

Comment peut-on accuser ainsi quelqu’un dont la seule arme n’a jamais été que la plume ? Une plume qu’il a toujours mise au service de la paix et de la démocratie ?

Si j’ai un jour, une seule fois, j’ai tenu un propos extrémiste, qu’on le dise, qu’on me cite précisément. Mais je sais qu’on ne trouvera rien, car jamais je n’ai tenu de tels propos. Je suis et resterai ce que j’ai toujours été : un modéré. Tout sauf un « destructeur. »

Je voudrais enfin rappeler que notre métier, comme le définissait un des monuments du journalisme, Albert Londres, en 1929, au terme d’un grand reportage dénonçant la colonisation, que notre fonction « n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »

« Ne pas faire plaisir ». Tout est là. Et cette définition du journalisme est encore d’actualité. Hier comme aujourd’hui, et certainement demain, au Burundi comme ailleurs, le rôle du journaliste est de toujours s’interroger, d’affronter les vérités qui dérangent. Le credo d’un journaliste est de ne rien accepter comme « évidence », de douter, d’investiguer dans la mesure de ses moyens.

Dans un Etat qui se veut « démocratique » le journaliste fait partie des rouages du système. Il est même une des pièces maîtresses. Le journaliste accomplit la noble mission d’informer, qui est la condition première de la démocratie.

Un chef d’Etat devrait plutôt se féliciter d’écouter, de lire ceux qui font circuler l’information et n’hésitent pas à nager à contre-courant des idées reçues. Les journalistes ne doivent jamais être confondus avec des courtisans. « Flatter son pays n’est pas le servir », disait encore Albert Londres. Flatter son Président non plus.


Article publié le jeudi 2 septembre 2021
915 lectures

Accès rapide

Infos par pays