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El Hassan Boukouta : « Les régies du Maroc ont le savoir-faire pour travailler en Afrique » - JeuneAfrique.com

Pour ce haut fonctionnaire du ministère de l'Intérieur, la délégation de certains services (électricité, eau, assainissement) au secteur privé a fait ses preuves. Et poussé les entités publiques à se dépasser.




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C’est dans un bâtiment ultramoderne du quartier d’affaires Hay Riad, à Rabat, qu’El Hassan Boukouta nous reçoit. Dans cette annexe du ministère de l’Intérieur, le gouverneur directeur des Régies et des Services concédés du Maroc supervise depuis 2014 une équipe qui passe à la loupe les contrats établis avec les différentes entités, publiques ou privées, chargées d’assurer auprès des collectivités des services comme la distribution d’eau et d’électricité ou le transport urbain.

Des domaines qui n’ont plus aucun secret pour cet ingénieur formé en France dans les années 1980 et qui a dirigé, une trentaine d’années durant, des régies autonomes dans différentes villes du royaume. Entretien.

Jeune Afrique : On parle de plus en plus de la refonte du cadre institutionnel de la gestion déléguée. Quelles sont les grandes lignes de cette réforme ?

El Hassan Boukouta : Nous travaillons actuellement sur la troisième génération de contrats de gestion déléguée, qui vont connaître des mutations profondes. Les engagements seront plus clairs de part et d’autre, et les mécanismes de gouvernance et de contrôle seront plus efficaces. D’autres aménagements importants vont avoir lieu : l’autorité délégante sera dotée de la personnalité juridique, ce qui lui permettra de lever les fonds nécessaires pour l’investissement, de récupérer la TVA et de gérer, à travers une société de développement local, le compte fonds de travaux, aujourd’hui géré par le délégataire.

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Après plus de vingt ans d’expérience en matière de gestion déléguée, peut-on parler de réussite du modèle marocain ?

L’expérience de la gestion déléguée est tout à fait satisfaisante. En deux décennies, elle a permis au Maroc de réaliser des investissements importants [21,4 milliards de dirhams entre 2009 et 2013, soit 1,9 milliard d’euros], d’améliorer la gestion des services publics cruciaux et, surtout, de créer une émulation avec le secteur public. Les régies autonomes sont aujourd’hui tout aussi performantes que les sociétés délégataires. Mais bien entendu, il y a toujours des insuffisances et des imperfections.

Lesquelles ?

Le contrôle et l’accompagnement des contrats de gestion déléguée ainsi que le non-respect des cahiers des charges demeurent des lacunes à dépasser. Mais on s’attelle à rectifier le tir à l’occasion des révisions périodiques des contrats de gestion.

Que faites-vous pour contraindre les sociétés délégataires à respecter leurs cahiers des charges ?

Initialement, les programmes d’investissements contractuels ont été dimensionnés sur la base des schémas directeurs, qui n’étaient pas tout à fait actualisés. Le développement rapide des villes a affecté les prévisions. Nous avons également dû, dès les premières années, revoir l’ordre de priorité des projets, voire en inscrire d’autres pour répondre aux nouveaux besoins. Tout cela pour vous dire que les contrats ne sont pas figés, mais plutôt dynamiques, et qu’ils essaient de suivre les extensions des périmètres urbains des villes.

Néanmoins, par rapport aux budgets annuels approuvés, il se peut qu’il y ait des différences dans l’exécution des investissements pour diverses raisons : problème foncier, retard dans l’élaboration des études, dans le lancement des appels d’offres ou dans l’exécution, ou même, parfois, défaillance des prestataires. Dans ce cas, les contrats de gestion déléguée prévoient des mécanismes d’ajustement. L’écart d’investissement sur un exercice est systématiquement ajouté à l’enveloppe budgétaire de l’année d’après. Et si en plus le retard incombe au délégataire, des pénalités sont appliquées.

Nous disposons de l’expertise nécessaire pour nous inscrire dans des partenariats Sud-Sud.

Certaines sociétés délégataires sont d’anciennes régies françaises qui se sont hissées au rang de multinationales conquérantes. Que manque-til aux régies marocaines pour devenir à leur tour des opérateurs de référence à l’échelle africaine ?

Aujourd’hui, nos régies ont l’expérience et le savoir-faire nécessaires pour travailler à l’international, notamment à l’échelle continentale. Mais ces entités n’ont pas vocation à agir en dehors de leurs périmètres communaux. Car il ne faut pas oublier que ces régies sont municipales. Elles sont créées par les communes pour assurer un service spécifique sur le territoire exclusif des communes. Aujourd’hui, l’expérience de l’Onee [Office national de l’électricité et de l’eau potable] à l’international montre bien que nous disposons de l’expertise nécessaire pour nous inscrire dans des partenariats Sud-Sud. Mais il faut que le cadre juridique le permette.

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Veolia Environnement avait manifesté sa volonté de se retirer du marché marocain à travers la vente de Redal et d’Amendis. Était-il judicieux de rejeter la proposition de reprise ?

Effectivement, dans le cadre de sa politique de redéploiement au niveau international, Veolia avait émis son souhait de se retirer du Maroc et avait proposé un repreneur, en l’occurrence un fonds d’investissement dénommé Actis. Cette offre a été analysée et discutée avec les différentes autorités délégantes des villes de Rabat-Salé, Tanger et Tétouan, mais elle ne répondait pas à leurs attentes, notamment en matière d’investissement et de continuité du contrat.

Actis n’est pas un fonds d’infrastructures, dont la rentabilité se fait sur une période assez longue de vingt-cinq à trente ans, mais plutôt un fonds d’investissement, dont l’horizon de placement ne dépasse guère six ou sept ans. Avec Actis, il fallait donc se préparer à un changement de mains à court terme, ce qui ne garantit pas la pérennité du service.


Article publié le vendredi 29 avril 2016
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