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Politiquement incorrect (3) De la Guinée

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jeudi 27 août 2009
par Venance Konan

On sentait la chose venir, et elle se confirme de plus en plus. Moussa Dadis Camara sera probablement candidat à la prochaine élection présidentielle en Guinée. Il a cité l’exemple mauritanien et il n’a pas eu tort. Pourquoi le putschiste de Nouakchott pourrait se faire élire président et pas lui, Dadis Camara, dont on ne peut pas vraiment dire qu’il ait fait un putsch ? Mais la vraie question est de savoir s’il a les capacités pour diriger un pays comme la Guinée. La Guinée est un pays que j’aime beaucoup. Le pays est beau, le peuple accueillant et sympathique, et, ce qui ne gâte rien, les femmes sont très belles. J’ai traversé une fois la Guinée, de Conakry à Nzérékoré, pour aller voir nos compatriotes qui y étaient réfugiés. C’était en 2003. Je n’oublierai jamais la colère de cet Ivoirien qui me montrait le Bulgur, cette nourriture infâme et sans goût que l’Onu distribue dans tous les camps de réfugiés d’Afrique. « Comment peut-on donner une cochonnerie pareille à manger à des hommes ? » me demandait-il, lui qui aurait certainement voulu être nourri avec des poulets et poissons braisés avec de l’attiéké. L’ONU est parfois sadique envers les gens dont le pays n’a pas su préserver sa paix. En revenant de Nzérékoré, nous sommes arrivés à la porte de Conakry aux alentours de minuit. Le véhicule s’est garé quelque part et l’on nous a annoncé que nous passerions la nuit là. Il y avait déjà plusieurs autres véhicules qui attendaient. Quand j’ai cherché à savoir pourquoi, l’on m’a expliqué qu’il se faisait tard, que le chauffeur ne pourrait pas déposer chaque passager chez lui, et que c’était trop dangereux. « Il y a trop de bandits en ville ? » ai-je demandé. « Non, trop de policiers » m’a-t-on répondu. Eh oui, en Guinée, les policiers étaient plus à craindre que les bandits. Les choses n’ont pas beaucoup changé depuis l’arrivée de Dadis Camara, semble-t-il. Les militaires et autres hommes en tenue continuent de semer la terreur à Conakry. Conakry, autant vous le dire franchement, c’est n’importe quoi. Prenez Abobo, multipliez-la par trois ou quatre et vous avez Conakry. Ce sont des rues défoncées, des caniveaux à ciel ouvert débordant d’eau puante, des masures en face du palais présidentiel, des ordures partout, de très vieilles maisons au milieu desquelles surgissent çà et là des immeubles neufs et quelques villas cossues, le tout dans un désordre indescriptible. Lorsque vous arrivez de Conakry, Abidjan paraît si propre, si ordonnée. J’étais à Conakry lorsque Dadis Camara a formé son gouvernement. Et j’ai rencontré l’unique ministre d’Etat du gouvernement à son cabinet le jour-même de son installation. Lorsque je lui ai demandé quelles seraient les priorités du nouveau pouvoir, il m’a invité à sa fenêtre. « Regardez cette rue qui passe devant mon bureau, m’a-t-il dit. Il y a un sens interdit là. Vous voyez le panneau ? Eh bien les automobilistes s’entêtent à prendre ce sens interdit. Et lorsque vous tentez de leur expliquer que c’est interdit, eux, cherchent à vous convaincre qu’ils ont raison de passer par là, et que c’est celui qui a planté ce panneau qui est un imbécile. Notre priorité sera de changer la mentalité du Guinéen. » J’ai trouvé que c’était très joli comme image. Mais pour ce qui est de changer la mentalité des Guinéens, c’était une autre affaire. Et quand j’ai vu les débuts du « Dadis Show », j’ai fini par comprendre que ce n’était pas gagné d’avance. Ah le « Dadis show » ! Le nouveau chef d’Etat prenait la parole pendant des heures, insultait ou humiliait qui il voulait, dans un français plus que bancal et dans une cohérence d’idées des plus douteuses, et le petit peuple applaudissait. Et Dadis se prenait pour un révolutionnaire. Lorsque j’ai fait part de mes réserves à un ami Guinéen, il m’a dit qu’ils avaient échappé à pire, car Dadis Camara au moins était un intellectuel, parce qu’il avait fait deux années d’université. Eh i ! Un jour j’ai essayé de causer en français avec le fils d’un ami qui était en classe de troisième. Il ne comprenait pas mon français et je ne comprenais pas le sien. J’ai fini par demander à son père si en Guinée l’enseignement se faisait en Soussou, en Peulh ou en Malinké. Il m’a dit ça se faisait en français. J’ai alors compris pourquoi Dadis Camara passait pour une lumière aux yeux du petit peuple. Je vous assure qu’à côté de ce garçon de troisième, ma fille qui passe au CM1 passerait pour un prof de lettres. Et cela me faisait penser à ceux qui avaient fait le coup d’Etat chez nous en 1999. Quand on voit le niveau intellectuel des IB, Wattao, Koné Zacharia, et autres Boka Yapi, Guéï ne pouvait que passer pour une lumière. Mais le grand mystère pour moi est que des gens que l’on prenait pour de vrais intellectuels, des gens qui appartenaient au pouvoir que l’on venait de renverser, se soient par la suite réclamés d’un « guéisme ». Et il y en a encore aujourd’hui. Guéï avait donc une pensée politique ? Triste Côte d’Ivoire ! Triste Afrique ! Mais je m’égare. J’avais décidé de ne casser mon sucre que sur le dos des Guinéens aujourd’hui. C’est que Dadis Camara me fait un peu penser à Guéï. « Je suis venu balayer la maison avant de m’en aller. Je ne suis pas un assoiffé du pouvoir. » On connaît la suite. Tout ce que je peux dire à mes amis Guinéens est que, avec tout le respect que je dois à leur pays et à leur chef d’Etat, avec Dadis Camara, ils ne sont vraiment pas sortis de l’auberge.


email : venancekonan@yahoo.fr
Article publié le jeudi 27 août 2009
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